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La dignité des femmes congolaises en images : entrevue avec le photographe Christophe Smets

© Christophe Smets

Sophie Hamel-Dufour, de Radio Francophonie Sans Frontières, s’est récemment entretenue avec le photographe liégeois Christophe Smets, à l'occasion de l'inauguration de son exposition SAKIFE : Santé des femmes au Kivu à l’Assemblée nationale du Québec en mars 2023.

Le 5e et dernier épisode du balado « Wallonie-Bruxelles et le Québec » est disponible à l'écoute sur toutes les plateformes de diffusion depuis le 19 juin.

► Écouter le nouvel épisode : « Wallonie-Bruxelles et le Québec : SAKIFE »

 

Voici quelques extraits :

Quel type de photographe êtes-vous ?
Je pense être avant tout un photographe de l’instant. J’aime cette idée de pouvoir partir à la rencontre du monde et des gens qui font le monde. Même si on montre des sujets qui sont à priori dits « sociaux » ou « engagés », je crois que ce qui est important, c’est après, savoir ce qu’on fait avec les photos, comment on les utilise.

Les photos de l’exposition SAKIFE : Santé des femmes au Kivu sont assez récentes. Votre séjour date de février 2022, n’est-ce pas ?
Exactement. Le Kivu, c’est cette atmosphère insécure qui règne depuis vingt-cinq ans maintenant, dans l’Est du Congo. Une espèce de flux, de reflux, de vagues de violence qui se perpétuent et qui ne se solutionnent pas…

D’où est venue l’idée de faire une exposition sur les femmes et la santé ?
Le projet est né de l’idée de faire un reportage sur le gynécologue et prix Nobel de la paix 2018, le docteur Denis Mukwege, et ce qui se déroule autour de lui. Il y a beaucoup de projets, d’activités, d’ONG, d’associations, etc. Le docteur Mukwege a mis en place une vision holistique de la santé des femmes, majoritairement ancrée sur les victimes de violences sexuelles. J’ai voulu avoir une vision la plus large possible, qui tourne autour de ce thème, mais pas seulement. C’était aussi intéressant de pouvoir parler, tout simplement, des difficultés pour les femmes à accoucher, pour plein de raisons différentes : la précarité, la non-présence des hommes, le manque de moyens médicaux, de médecins, l’insécurité, etc. Tout ça rejoint cette forme globale de violence faite aux femmes. Ce que j’ai trouvé très important, c’est la dignité de ces femmes que j’ai perçue. Parfois cette résilience, malgré la douleur, les grandes difficultés, mais en tout cas cette dignité. Je tenais absolument à montrer cela à travers les images.

Comment on se prépare pour aller à la rencontre de femmes qui, comme vous le dites, « sont en majorité condamnées à rester en permanence branchées sur l’épuisant mode survie » ?
Je pense qu’on ne se prépare pas. D’abord, parce qu’on ne peut pas se préparer à ça, et puis parce que je ne le souhaite pas, pour garder un maximum de sensibilité et d’ouverture à ce qui se passe. Conserver au maximum cette sensibilité, parce que c’est ça aussi qui nous permet de rendre le plus efficacement possible et de manière la plus honnête ce que ces femmes vivent.

Dans cette exposition sur le Kivu, si vous aviez un coup de cœur à partager, quel serait-il?
Il y a une photo, ce sont des enfants en bas âge dans un orphelinat. Il y a un enfant qu’on voit en avant-plan : il ne sourit pas du tout, et c’est le dénuement le plus total. Au moment de prendre la photo, l’enfant ne bougeait pas, son regard restait braqué vers l’objectif. Il y avait quelque chose de l’ordre de « Je suis vivant, mais je n’attends rien de la vie. » Ces enfants sont orphelins, n’ont plus de parents, ont vécu des situations dramatiques de viol, etc. Des situations tellement inacceptables. Je dirais que c’est cette image-là qui m’a le plus marqué.

 

Également à l’honneur dans cet épisode : Mme Nadja Pollaert, directrice générale de Médecins du Monde Canada, partenaire de l’exposition SAKIFE.

 

L’exposition SAKIFE : Santé des femmes au Kivu poursuivra sa tournée nord-américaine dans les prochains mois. Restez à l’affut sur nos réseaux et dans notre infolettre !